Couisse ou jau ?
Poule ou coq ?
Sur ces pages sont publiées les versions en « français » des articles de la rubrique « Couisse ou jau » écrits par Geneviève Barili.
La louée
(Journal de Pesselières numéro 62 de janvier - février 2021)
Le marché aux domestiques
« Allons les enfants, dépêchez-vous, nous devons y aller si nous ne voulons pas arriver dans les derniers. C’est loin, et cette fois-ci il y aurait bien foule à la St Martin. »
Ils sont deux enfants, ils ont terminé leur scolarité cet été. Ils ont onze et douze ans. Ce sont deux garçons. A la maison, ils sont cinq petits. Leur mère n’a pas traîné et la situation n’est pas facile pour elle. Elle leur a dit « Ce n’est pas tout d’aller ramasser des sorbes et des nèfles le long des chemins, maintenant il faut gagner votre vie. »
Ce matin, ils ont fait leur toilette, mis une blouse propre. C’est leur père qui les accompagne au champ de foire.
Ils ont marché longtemps, ils sont rompus, mais on ne doit pas avoir l’air geignard si on veut trouver un employeur et gagner sa vie.
Les voilà arrivés. Ils sont alignés en plein vent. Certains ont le nez qui coule. Peut-être sont-ils déjà enrhumés.
Les propriétaires des domaines les passent en revue. Certains sont trop petits, maigrelets, d’autres ont les pieds en-dedans, d’autres n’ont pas le regard franc. Tout cela n’est guère positif, il faut trouver les meilleurs parmi ces bons à tout faire.
Midi a sonné depuis longtemps… les enfants sont affamés, leurs pieds sont glacés, ils grelottent. Ils voudraient tant rentrer chez eux …
Soudain le Maître Léon s’arrête, il leur fait ouvrir grand la bouche, tourner les yeux dans tous les sens. Tout est bien, il les engage tous les deux. Les enfants sont stupéfaits. Ils ne rentreront pas chez eux ce soir.
Leur père est tout près, il a assisté à la scène, il sait qu’il repartira seul …
Geneviève Barili
Le Caïffa
(Journal de Pesselières numéro 64 de mai-juin 2021)
Marie est inquiète …Elle regarde la boîte presque vide. C’est important d’avoir du café. Le matin avec le lait de chèvre, cela commence bien la journée. Depuis deux jours elle attend. Si cela dure encore comment va-t-elle faire ?
Tiens, voilà Louise qui passe…
« Sais-tu pourquoi le CAÏFFA n’est pas passé cette semaine ? J’ai beau avoir tendu l’oreille, mais je n’ai pas entendu les grelots de ses chiens »
- Tu n’es pas au courant ?
- Au courant de quoi ?
- Tu sais qu’il a deux chiens qui tractent son caisson, il y a Mirette et Toufou, et bien Mirette s’est entaillé une patte sur un tesson de vaisselle et le CAÏFFA ne peut plus l’atteler. De ce fait la tournée ne peut avoir lieu.
- Comment vais-je faire, je n’ai plus ni café, ni farine et pas davantage de ces délicieux biscuits.
- Et bien il faut que tu patientes.
- Je ne peux guère faire autrement, mais je crois toujours entendre le grincement de ses roues sur le chemin. De plus, mon carnet est rempli de timbres de fidélité. Quelle malchance ! Peut-être le sais- tu, mais quand il passe nous l’hébergeons pour la nuit. Il dort dans la grange. Il se repose bien et il me tient compagnie pour la soirée. C’est un homme charmant… J’y repense, tu ne connaîtrais pas un vétérinaire ou un guérisseur pour cette pauvre Mirette ? Nous ne pouvons pas rester dans cette situation. »
Il y a maintenant plus de deux semaines… Marie a retrouvé un reste de chicorée, c’est la boisson du matin. Ce n’est pas bon, mais il faut bien accepter.
Nous sommes mardi. En milieu de matinée qu’entend-elle ? On dirait des grelots. Elle se perche sur le talus et que voit-elle au loin ? LE CAÏFFA ! Elle en tremble. Elle n’a plus à s’inquiéter. Ils approchent, c’est bien Mirette qu’elle voit là, sa blessure est donc guérie…
Marie souffle profondément, On peut l’affirmer, ses préférés à cette heure précise, ce sont bien les CHIENS…
Geneviève BARILI